[đ§ ]Sundar PichaĂŻ sur la fin du web, du trafic, du contenu traditionnel et l'AI Search
Le futur du web vu par S. Pichaï, le CEO de Google. La fin du web en tant que média et les débuts d'un web composé d'applications ou chaque créateur de contenu devient vibe coder. Tout un programme !
Cette interview avec Sundar Pichai offre un aperçu intelligent de ce quâest en train de devenir le web. MĂȘme si elle ne propose pas de solution miracle Ă la « fin du trafic tel que nous le connaissions », elle introduit nĂ©anmoins des concepts clĂ©s comme celui de la « qualitĂ© dâun clic » et dresse un tableau du nouveau paysage numĂ©rique.
A lire absolument !
đ Mais je vous dĂ©cortique le tout dans ce post du coup parce que franchement, câest dense Ă lire comme Ă Ă©couter.
Ma synthĂšse
1ïžâŁ Le web, en tant que plus grand mĂ©dia mondial, vit ses derniĂšres heures. Il est en train de passer dâune plateforme passive dâinformation Ă un Ă©cosystĂšme actif, transactionnel, composĂ© dâune multitude dâapplications spĂ©cialisĂ©es et individualisĂ©es.
2ïžâŁ Le Web 2.0 a permis Ă chacun de devenir crĂ©ateur de contenu. Le web dopĂ© Ă lâIA est dĂ©sormais en passe de transformer la prochaine gĂ©nĂ©ration (nos enfants) en programmeurs dâapplications super-personnalisĂ©es. Les crĂ©ateurs de contenu dâhier deviennent les Vibe Coders de demain (ou⊠dâaujourdâhui ?).
3ïžâŁ Quâest-ce que la recherche IA ? TrĂšs bientĂŽt, nous ne ferons mĂȘme plus dĂ©filer du contenu (sans mĂȘme parler de clics). La recherche de demain sera axĂ©e sur la visualisation de donnĂ©es â des donnĂ©es gĂ©nĂ©rĂ©es et rendues accessibles par cette nouvelle vague dâapplications. Le web devient une sĂ©rie de bases de donnĂ©es que les agents IA et les apps iront interroger.
4ïžâŁ Google est en train de transformer profondĂ©ment la dynamique du trafic â et lĂ , câest du lourd. Lâampleur du web a explosĂ© : +45 % en deux ans chez Google ! Et ce nâest pas juste du « bruit » gĂ©nĂ©rĂ© par lâIA. Câest liĂ© au fait que la consommation de contenu est devenue profondĂ©ment multi-plateforme et multi-format, avec lâIA qui fluidifie les transitions (beaucoup moins de friction).
Google affirme quâil continuera Ă envoyer du trafic, mais avec deux changements majeurs :
Dilution du trafic : Le trafic est dĂ©sormais rĂ©parti sur une bien plus grande variĂ©tĂ© de sites et de crĂ©ateurs. Cela explique pourquoi beaucoup constatent une chute de trafic â la tarte est plus grosse, mais les parts aussi.
Apparition du concept de âQualitĂ© du clicâ : Câest le vrai changement de paradigme. Google mesure dĂ©sormais la qualitĂ© du trafic quâil envoie. Le critĂšre clĂ© ? Le temps passĂ© par lâutilisateur sur la page. Alors que Google devient une plateforme de rĂ©ponse plus quâun moteur de recherche, son objectif est de rĂ©duire le trafic non qualifiĂ© et de privilĂ©gier les visites ciblĂ©es et engageantes.
đ§š Franchement, câest Ă©norme.
On assiste Ă une refonte complĂšte de notre rapport au digital. Lâattention ne se porte plus sur la quantitĂ© brute, mais sur lâengagement rĂ©el, lâutilitĂ© perçue et la personnalisation poussĂ©e Ă lâextrĂȘme.
DĂ©tails de lâinterview de S. PichaĂŻ - Dâun point de vue Marketing
1) Sur l'évolution du web en général
Sundar Pichai aborde l'évolution du web en établissant des parallÚles avec les précédents changements technologiques majeurs.
Il note que l'arrivée d'Internet a permis de nouvelles formes de création et d'expression, comme les blogs, qui ont permis à beaucoup de partager leurs pensées avec le monde.
Pichai se souvient avoir rejoint Google Ă l'Ă©poque oĂč AJAX Ă©tait la "rĂ©volution" qui a rendu le web dynamique, conduisant Ă l'Ă©mergence d'applications comme Google Maps, Flickr et Gmail.
Malgré des prédictions passées comme le mÚme "Le web est mort" de 2015, Pichai affirme que le web continue de croßtre. Il souligne notamment un phénomÚne "stupéfiant" selon lequel le nombre de pages web disponibles a augmenté de 45% au cours des deux derniÚres années seulement. Il mentionne que les techniques de recherche de Google évaluent la qualité des pages, y compris si le contenu est généré par machine, et que cela n'explique pas la tendance globale de croissance qu'ils observent.
Pichai suggÚre que les créateurs doivent désormais opérer de maniÚre cross-plateforme et cross-format notant la sophistication des formats de contenu comme la vidéo.
Il pense que l'IA rendra le passage entre les différents formats de contenu "sans friction" car les modÚles d'IA sont nativement multimodaux. Il donne l'exemple de NotebookLM permettant de transformer des documents en quelque chose ressemblant à un podcast.
Cela suggÚre que la production de contenu s'éloigne de la création statique et spécifique à un format.
Pichaï conclut que les gens consomment et produisent beaucoup plus de contenu en général, et qu'il voit cela comme un moment d'expansion - contrairement à ce que pléthores de marketeurs et de créateurs de contenus (en ce compris les journalistes) constatent et déplorent).
2) La perspective de Google sur le trafic face à la colÚre des éditeurs
L'interview aborde la tension entre les changements de Google et les préoccupations des éditeurs de contenu, notamment concernant le trafic.
La News Media Alliance, représentant des éditeurs comme The New York Times et la société mÚre de The Verge, Vox Media, a publié une déclaration "furieuse" qualifiant le mode IA de "vol" pour l'utilisation de contenu sans retour économique.
Lâorganisation News/Media Alliance, qui reprĂ©sente de grands Ă©diteurs amĂ©ricains comme CondĂ© Nast et Vox Media, a vivement critiquĂ© lâexpansion du mode IA de Google, la qualifiant carrĂ©ment de « vol ». Sa prĂ©sidente, Danielle Coffey, affirme que Google « sâempare du contenu de force et lâutilise sans aucune compensation », privant ainsi les Ă©diteurs Ă la fois de trafic et de revenus. Le conflit porte sur la question du consentement des Ă©diteurs. Des documents internes issus du procĂšs antitrust contre Google ont rĂ©vĂ©lĂ© que lâentreprise a dĂ©libĂ©rĂ©ment choisi de ne pas demander lâautorisation des Ă©diteurs pour inclure leur contenu dans ses fonctionnalitĂ©s dâIA. Au lieu de cela, les Ă©diteurs doivent se retirer complĂštement des rĂ©sultats de recherche sâils ne veulent pas que leur contenu soit utilisĂ© dans lâIA. Les Ă©diteurs considĂšrent comme une forme de chantage la rĂ©ponse de Google : soit vous acceptez que votre contenu soit exploitĂ© pour nourrir lâIA de Google ; soit vous disparaissez totalement du web tel que Google le prĂ©sente â sans aucune visibilitĂ© dans les rĂ©sultats. Un choix binaire sans compromis, justifiĂ© par Liz Reid, Ă la tĂȘte de Google Search, qui estime que des opt-outs plus nuancĂ©s gĂ©nĂ©reraient une « complexitĂ© Ă©norme ».
L'Alliance affirme que les liens (et le trafic en résultant) étaient la seule qualité rédemptrice de la recherche qui donnait du trafic et des revenus aux éditeurs.
En réponse, Pichaï :
affirme que le web continue de croĂźtre et que Google envoie plus de trafic vers plus de sites web que jamais (ça câest vivement contestĂ© - je prĂ©pare un post dĂ©taillĂ© sur le sujet).
affirme que le mode IA inclura des sources et que plus que jamais Google s'engage Ă laisser les utilisateurs expĂ©rimenter la largeur du web et aller oĂč ils veulent, Google fournissant un "plus de contexte".
déclare que la largeur des domaines vers lesquels Google envoie les utilisateurs est en augmentation et s'attend à ce que cela soit vrai avec le mode IA également. Ceci étant, il reconnaßt qu'il y aura toujours des débats vigoureux sur l'échange de valeur sur les plateformes.
affirme que Google, plus que toute autre entreprise, priorise l'envoi de trafic vers le web et continuera Ă le faire dans cinq ans.
Concernant les données sur la qualité du trafic, Pichaï réponds que :
Google envoie du trafic vers une gamme plus large de sources et d'éditeurs Il affirme que ce trafic de référence est de "plus haute qualité" car Google mesure le temps passé sur la page et d'autres métriques, et cette qualité augmente.
Le fait de transformer Google d'un moteur de recherche en un moteur de réponse (via Featured Snippets, etc.) permet de garder les gens plus longtemps sur la plateforme, ce temps étant un indicateur d'un trafic de meilleure qualité.
Pichai confirme que Google voit une croissance globale des requĂȘtes dans Search, y compris sur les appareils et plateformes d'Apple. Il a quantifiĂ© la croissance des requĂȘtes provenant des aperçus IA. Il considĂšre la situation comme "trĂšs loin d'un jeu Ă somme nulle".
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il rappelle surtout que bien que plus de personnes puissent ĂȘtre mises en avant, conduisant potentiellement Ă ce que des individus voient moins de trafic, Google reflĂšte ce que les utilisateurs veulent. Ca a toujours Ă©tĂ© leur position comme je le rappelle dans ce post : lâenvoi du trafic câĂ©tait un des Ă©lĂ©ments qui faisait partie du âpackageâ dans la relation dâintermĂ©diation et tri-partite entre google, lâutilisateur final et au milieu, lâĂ©diteur de site/crĂ©ateur de contenu. Aujourdâhui cet Ă©quilibre Ă©volue, certes. Mais PichaĂŻ rappelle que câest la rĂ©sultante de ce que veulent les utilisateurs. PichaĂŻ conclut dâailleurs en disant que âsi Google faisait le mauvais choix, les utilisateurs iraient ailleurs - or les datas dĂ©montrent le contraireâ.
3) L'évolution et le fonctionnement de Google Search
L'interview couvre la maniÚre dont Google Search évolue avec l'intégration de l'IA.
L'I/O de cette annĂ©e a marquĂ© le dĂ©but de ce qui semble ĂȘtre une "nouvelle Ăšre" pour la recherche et le web.
La vision de Google pour Search va au-delà des liens vers des pages web, évoluant vers quelque chose qui ressemble beaucoup plus au développement d'applications personnalisées.
Le nouveau mode IA de Google construit une page de résultats de recherche personnalisée avec des graphiques interactifs et potentiellement d'autres types d'applications, en temps réel.
Google prévoit de "faire évoluer" les fonctionnalités du mode IA vers l'expérience de recherche principale au fil du temps.
PichaĂŻ rappelle que le fonctionnement de Search, en particulier le classement (ranking), est "sacrĂ©" chez Google et que âaucune personne chez Google ne peut influencer l'algorithme de classementâ.
Google utilise de nombreux signaux de classement, bien plus complexes que PageRank aujourd'hui. L'autorité d'une page est déterminée par ces signaux (comment d'autres pages y lient, comme une citation académique), Google n'évalue pas individuellement l'autorité d'une page.
Pichai dĂ©clare que le mode IA n'est pas diffĂ©rent Ă cet Ă©gard. En particulier (et on a envie de dire âĂ©videmmentâ⊠) Google n'ajustera pas les rĂ©ponses du mode IA en rĂ©ponse Ă la pression politique. Si un large retour d'utilisateurs indique que quelque chose ne fonctionne pas, Google examine systĂ©matiquement les changements, mais ils ne regardent pas les cas individuels ni ne changent les classements en fonction de la pression.
Concernant la synthĂšse d'informations et la dĂ©sinformation potentielle, Pichai clarifie que les signaux de Google dĂ©terminent l'autoritĂ©, pas une Ă©valuation individuelle. Il estime que Google a toujours fonctionnĂ© Ă un niveau Ă©levĂ© de responsabilitĂ© et travaille constamment pour gagner la confiance des utilisateurs. Les aperçus IA avaient un faible taux d'erreur mĂȘme sous interrogation adverse.
4) Le web comme média vs. application/base de données pour Agents
Pichai évoque un changement fondamental dans le but et la structure du web, stimulé par l'IA et les agents.
Selon lui, la phase actuelle signifie que les gens pourront "crĂ©er des applications IA". Il voit cela comme une phase "multiplicative" oĂč plus de gens que jamais auparavant peuvent construire des produits. Il met en Ă©vidence que le web est en train de devenir un espace oĂč des applications sont "additionnĂ©es".
Des exemples incluent Figma, TikTok, Substack/Ghost et les communautés.
Le "Vibe Coding" (codage par ambiance) est considéré comme un trait d'union pour cette tendance, suggérant que les générations futures pourront facilement programmer et créer tout ce qu'elles imaginent.
PichaĂŻ est d'accord avec l'idĂ©e que le web, en tant que plateforme mĂ©diatique, "vit ses derniĂšres heures" depuis l'avĂšnement de l'IA. Alors que le web en tant que plateforme d'application est Ă un "niveau record", il note que le web en tant que plateforme mĂ©diatique ou d'information "semble ĂȘtre Ă son plus bas niveau".
Le web passe d'une plateforme médiatique (information) à une plateforme de transaction.
Il souligne également que certains des résultats de recherche les plus intéressants de Google impliquent désormais la génération d'"applications web personnalisées" pour la visualisation de données.
Il est d'accord avec le concept dĂ©veloppĂ© par le journaliste qui lâinterviewe selon lequel le web est fondamentalement une "sĂ©rie de bases de donnĂ©es", sur lesquelles des interfaces utilisateurs sont construites. En envisageant un "web axĂ© sur les agents" dans 10 ans, il estime que ce web pourrait ne pas ressembler au web actuel. Il pourrait ĂȘtre optimisĂ© pour que les agents interrogent ces bases de donnĂ©es.
Pour les entreprises comme Uber, DoorDash ou Airbnb, participer à ce monde axé sur les agents signifie considérer l'échange de valeur. Elles pourraient voir leur activité globale augmenter, ou se sentir désintermédiées et choisir de ne pas participer, tout comme un restaurant pourrait choisir de ne pas faire de livraison.
Il reconnaßt que les entreprises pourraient facturer des frais aux agents pour accéder à leurs services, comparant cela aux détaillants qui fournissent de la valeur aux marques ou aux commerçants qui paient des frais de carte de crédit. Il pense que le systÚme trouvera un équilibre. Il y a beaucoup de modÚles possibles (abonnement, partage de revenus).
Il suggÚre que la transition vers les agents pourrait se faire plus rapidement en entreprise car les DSI peuvent mandater l'interopérabilité. Dans l'espace grand public, les utilisateurs décideront quelle expérience ils préfÚrent.
La conclusion de cette gigantesque interview est assez prometteuse :
Il souligne que le pouvoir que les dĂ©veloppeurs auront pour crĂ©er sur le web grĂące Ă des outils comme le "vibe coding" n'a pas Ă©tĂ© vu depuis 25 ans. Et se projette dĂ©jĂ dans la prochaine phase aprĂšs celle-ci pourrait ĂȘtre lorsque l'IA se traduira dans le monde physique via la robotique, crĂ©ant un moment "magique" avec des robots plus polyvalents.
Sources :
Lâinterview en totalitĂ© de S. Pichai : Google CEO Sundar PichaĂŻ on the future of Search, AI Agents, and selling Chrome
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